Qu’est-ce que la puberté précoce ? Mon enfant est-il concerné ? Et si oui, que faut-il faire ? On vous aide à comprendre ce phénomène qui touche plus souvent les petites filles que les petits garçons.
Les premières règles qui apparaissent bien plus tôt que prévu. Le pic de croissance nettement en avance sur celui des autres enfants. Ou un développement des glandes mammaires ou du volume des testicules avant l’heure. La question de la puberté précoce et la hausse supposée des cas se posent de plus en plus souvent… ce qui soulève d’autres interrogations que nous abordons ici : comment définir et expliquer cette précocité de la puberté ? Les cas de puberté précoce sont-ils réellement en hausse ? Et que faut-il faire si vous pensez que votre enfant est concerné ?
Pour bien comprendre tous ces enjeux, il faut tout d’abord répondre à une première question : la puberté, qu’est-ce que c’est ? Et quand peut-on parler de précocité ?
Pour faire simple, la puberté est la période pendant laquelle le corps se transforme pour acquérir les capacités physiologiques de la reproduction. Et elle se manifeste différemment selon que vous soyez une fille ou un garçon.
La puberté débarque généralement entre 10 et 11 ans chez la fille. C’est le moment où les ovaires commencent à produire certaines hormones, comme les œstrogènes. Et cette production entraîne l’apparition des caractères sexuels secondaires comme le développement des seins, avec pour premier stade celui des bourgeons mammaires, puis de la pilosité, notamment des poils pubiens. Quant aux premières règles, elles arrivent généralement 2 ans après les premiers signes du développement mammaire.
Et chez le garçon ? La puberté se déclenche plus tard, en moyenne entre 12 et 13 ans. Le premier signe visible est l’augmentation du volume des testicules, qui vont dans le même temps commencer à produire de la testostérone et donner de la sorte le go de départ aux caractères sexuels secondaires. Des poils pubiens apparaissent, la voix mue et la taille du pénis augmente. Le corps et les muscles se modifient, la pilosité apparaît aussi sous les aisselles et sur le visage. La capacité à éjaculer va ensuite être acquise.
Dans la revue Louvain Medical Véronique Beauloye, professeure au sein de l’Unité d’endocrinologie pédiatrique des cliniques Saint-Luc, définit la puberté précoce comme l’apparition avant 8 ans chez la fille ou 9 ans chez le garçon :
Les signes précurseurs en sont le développement mammaire chez la fille et l’augmentation du volume des testicules chez le garçon. Cette puberté précoce touche beaucoup plus souvent les filles que les garçons, de l’ordre de 10 à 15 fois plus, comme le note entre autres l’Agence Santé Publique France.
Si la puberté arrive après l’âge de 8 ou 9 ans mais plus tôt que chez les autres enfants, on parlera plutôt de puberté avancée, ce qui rentre dans les cases d’une puberté normale d’un point de vue médical.
Comme l’explique dans Le Ligueur Claudine Heinrichs, cheffe de clinique au service endocrinologie de l’Huderf, il est important de parler à son médecin si l’on soupçonne une puberté précoce, par exemple si l’on constate l’apparition des bourgeons mammaires chez une petite fille de moins de 8 ans.
Cela va permettre tout d’abord d’avoir un avis médical plus précis et d’effectuer si nécessaire des examens complémentaires pour vérifier si la puberté a effectivement démarré : radiographie de la main ou du poignet pour évaluer la maturation osseuse, analyses de sang pour déterminer le taux d’hormones, échographie pelvienne des ovaires, utérus ou testicules. Ou même ensuite une IRM cérébrale pour s’assurer qu’il n’y a pas de tumeur ou de malformation.
Suivant le processus physiologique qui la provoque, l’on distingue trois types de puberté précoce :
Il s’agit du cas le plus fréquent de précocité, principalement chez les filles. Ici, l’hypophyse déclenche prématurément la sécrétion d’hormones sexuelles, appelées gonadotrophines. Et ce sont elles qui provoquent le développement des ovaires chez la fille et des testicules chez le garçon.
Quand ces organes arrivent à maturité, ils déclenchent à leur tour la production d’autres hormones sexuelles, à savoir la testostérone et les œstrogènes, qui lanceront le processus de puberté et l’apparition des caractères sexuels secondaires. A noter que quand le pic de croissance débarque trop tôt chez l’enfant, ce cycle sera plus court que dans les cas de puberté ‘normale’, avec pour conséquence une taille adulte définitive plus petite.
Dans la plupart des situations, cette sécrétion précoce n’a pas de cause physiologique clairement définie. Mais elle peut dans de plus rares cas être provoquée par une tumeur ou une anomalie au niveau de l’hypophyse ou de l’hypothalamus. Signalons aussi que la puberté précoce peut également être la conséquence de certains traitements médicaux : intervention chirurgicale, irradiation, chimiothérapie…
Ce type de puberté précoce est plus rare, et a pour caractéristique que la production des hormones sexuelles (la testostérone, les œstrogènes et androgènes) qui ont déclenché la puberté n’a pas été commandée par l’hypophyse.
Cette production résulte généralement d’une anomalie de la glande surrénale ou des organes reproducteurs (testicules ou ovaires), ou même de la présence d’une tumeur. Donc les organes reproducteurs ne se développent pas, comme c’est le cas pour une puberté précoce centrale, mais les caractères sexuels secondaires apparaissent bel et bien : développement des seins et du pénis (mais pas des testicules), apparition de poils, odeurs corporelles et acné…
Seuls certains caractères sexuels secondaires de la puberté font leur apparition, par exemple les seins ou les poils, mais sans autres développements, comme celui du volume des testicules ou l’apparition des règles.
Ici, c’est la glande surrénale qui provoque une hausse de la production d’androgènes. Mais les autres hormones comme la testostérone ou les œstrogènes restent à leur niveau normal.
Une fois la puberté précoce clairement diagnostiquée, des traitements pourront être prescrits, dont la nature variera suivant les causes identifiées :
Si la puberté précoce n’a en soi rien d’exceptionnel, c’est sa hausse supposée ces dernières années qui soulève des questions et suscite souvent des inquiétudes. Cette augmentation des cas de puberté précoce est-elle juste une impression ou se vérifie-t-elle dans les chiffres ? Dans le même article de la revue Louvain Medical, Véronique Beauloye souligne que la puberté précoce est l’un des motifs les plus fréquents de consultation en endocrinologie pédiatrique, et que l’âge de la puberté semble progressivement avancer en Europe et aux Etats-Unis.
De manière globale, la puberté semble effectivement arriver de plus en plus tôt, en particulier chez les filles. Une étude menée il y a quelques années au Danemark pointait par exemple que l’âge moyen du début du développement mammaire qui était de 10,8 ans en 1991 était passé à 9,86 ans en 2006. Les mêmes tendances sont observées aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde, avec parfois des nuances selon les spécificités ethniques. Mais il existe malheureusement assez peu de données chiffrées comparatives pour mesurer l’ampleur des différences entre ‘avant’ et ‘maintenant’.
L’impact psychologique d’une puberté précoce est sans doute l’un des aspects qui préoccupe le plus les enfants et leurs parents. Comment un enfant vit-il sa puberté précoce ? C’est ce que nous explique Marjorie, maman de Charlotte, 10 ans aujourd’hui.
« Charlotte a toujours été plus grande que ses copines. Sa poitrine a commencé à se former dès ses 8 ans, et la différence de taille avec les autres enfants s’est accentuée. Elle dépasse d’une tête presque tous les élèves de sa classe. Dès 9 ans, elle a commencé à avoir de la pilosité. Et ses règles se sont déclenchées quelques mois avant ses 10 ans. Tous ces signes précurseurs avaient bien entendu attiré mon attention. Je l’avais donc déjà briefée sur la question, ce qui a permis de dédramatiser cette étape des règles et de l’anticiper. Mais elle n’apprécie pas pour autant la situation. Ça l’empêche par exemple d’aller à la piscine et elle est gênée de devoir expliquer pourquoi à ses copines qui ne sont pas encore confrontées à la question.
Comment a-t-elle a vécu tous ces changements ? Pas très bien : elle se sent différente, en décalage par rapport à ses amies. Elle est toujours la plus grande, et elle est fatiguée d’entendre les adultes s’étonner de son âge réel. Elle voudrait être comme les autres. Elle me dit souvent qu’elle ne veut plus grandir et est angoissée à l’idée de devenir une géante. Et en prime, elle doit aussi gérer l’inconfort physique des règles alors qu’elle n’est qu’une enfant. Car oui : au niveau de la maturité, elle reste très clairement une petite fille de 10 ans, d’où ce mal-être résultant du décalage avec son physique. »
Certains facteurs physiologiques, comme une tumeur, une affection neurologique ou la présence d’un kyste sont parfois à l’origine de la puberté précoce.
Mais la précocité de la puberté résulterait aussi de facteurs externes : une alimentation trop riche ou une surcharge pondérale sont parfois évoquées. Et ce sont surtout les perturbateurs endocriniens qui sont pointés du doigt.
L’agence officielle Santé Publique France estime que l’une des causes de l’augmentation des cas de puberté précoce est probablement d’origine environnementale, en désignant notamment l’exposition aux perturbateurs endocriniens. Comme les pesticides, les phtalates, le bisphénol ou le parabène.
Quelques-uns de ces perturbateurs endocriniens se retrouvent dans certains produits cosmétiques. Et selon une étude récente menée conjointement par l’Agence de protection environnementale américaine et l’Institut national des sciences de la santé environnementale, cela aurait une influence sur les cas de puberté précoce chez les filles.