Maladies graves ou chroniques / Cancer
Le cancer du foie n’a pas bonne réputation. En 2018, le taux de survie à 5 ans ne dépassait pas 25 %. Un dépistage précoce et une prise en charge rapide permettraient pourtant de guérir la plupart des malades. Professeur de gastroentérologie au CHU Sart-Tilman, Jean Delwaide pousse un vibrant appel en faveur d’un changement de notre mode de vie et d’un dépistage accru de la cirrhose.
Le cancer primitif du foie se développe presque toujours sur un cas de cirrhose. Il s'agit du stade ultime d'une maladie chronique du foie. "Dans 30 % des cas, un patient cirrhotique développe un cancer du foie dans les 10 ans, explique le Pr Delwaide. Le problème, c'est que cette maladie présente peu, voire pas de symptômes. Idem en ce qui concerne les premiers stades du cancer du foie. Et lorsque les symptômes apparaissent, il est déjà souvent trop tard." Une simple prise de sang permet pourtant de détecter les signes de cirrhose. Le diagnostic doit ensuite être confirmé par un fibroscan.
La cirrhose est liée à une inflammation chronique du foie. La régénération hépatique, c'est-à-dire la capacité qu'a le foie de se "reconstruire", crée des cicatrices et des nodules de régénération. Il peut alors arriver que des nodules dégénèrent en tumeurs du foie.
Même si d'autres causes peuvent être identifiées dans le développement d'une cirrhose, une consommation excessive d'alcool représente de loin le principal danger. "Les 3/4 des maladies du foie sont dues à l'alcool, affirme le Pr Delwaide. L'OMS préconise de ne pas consommer d'alcool plus de 5 jours par semaine et de ne pas dépasser 10 verres par semaine. Mais il faut savoir que dès le premier verre, le risque de cancer augmente. Et lorsque la consommation hebdomadaire dépasse 30 verres, le risque de développer une cirrhose alcoolique devient particulièrement élevé", poursuit-il.
Le test Audit-C permet d'évaluer votre consommation d'alcool en 3 questions afin de déterminer si elle présente un risque.
"L'alcool pose un problème majeur pour les patients qui ont eu recours à la chirurgie bariatrique pour perdre du poids. "Après cette opération, qui consiste à modifier l'anatomie de l'estomac pour réduire les apports caloriques et lutter contre l'obésité, les patients sont nettement plus sensibles à l'alcool, explique le Pr Delwaide. L'alcool est en effet plus rapidement absorbé et ses effets sont nettement accrus. Il en résulte donc une plus grande toxicité hépatique et un risque accru de dépendance."
Au niveau mondial, l'hépatite B est la première cause de cancer du foie. En Belgique, l'hépatite C est une cause bien plus fréquente de cancer du foie. "Si la maladie recule aujourd'hui nettement en Belgique, nous avons connu une grave épidémie dans les années 1980 et 1990, rappelle le Pr Delwaide. Étant donné que la maladie met 20 à 30 ans pour provoquer un cancer, elle a provoqué une explosion du nombre de cas au cours des années 2000."
L'hépatite C se guérit aujourd'hui assez facilement. Le problème réside ici au niveau du dépistage. "Les baby-boomers devraient se faire dépister au moins une fois pour l'hépatite C", préconise le Pr Delwaide. Ensuite, nous devrions donc observer une chute importante des hépatocarcinomes liés aux hépatites virales au cours des prochaines années", se réjouit-il.
Le cancer du foie touche principalement les hommes âgés de plus de 60 ans. Il s'agit en effet d'une maladie qui se développe principalement sur un terrain de cirrhose qui met elle-même parfois plusieurs décennies à s'installer. Après 10 ans de cirrhose, 30 % des patients développent un cancer.
La stéatose hépatique, aussi appelée maladie du foie gras ou NASH, augmente aussi le risque de développement d'une cirrhose. Elle se caractérise par l'accumulation de graisse (des triglycérides) dans les cellules hépatiques. Il en résulte un foie anormalement gonflé. Le fructose, que l'on retrouve en particulier dans les sodas et les produits ultra-transformés, est directement métabolisé en graisse par le foie. Cela provoque au fil des années un engraissement anormal de l'organe. L'alimentation joue donc également un rôle important dans en matière de prévention des risques de tumeurs du foie. Les personnes en surpoids devraient donc faire l'objet d'un suivi particulier par rapport à la stéatose hépatique.
Le FIB-4 est un outil très utile pour évaluer le risque de fibrose. N'importe qui peut procéder à cette analyse à partir des taux de transaminases et de plaquettes mesurés au moyen d'une simple prise de sang. À ce niveau, une connexion Internet suffit pour prendre en main la prévention de votre santé.
Le cancer du foie ne présente pas de symptômes précis à un stade précoce.
On peut cependant observer les signes suivants :
La réponse est doublement oui, déclare le Pr Delwaide. Lorsque la cirrhose est diagnostiquée, un suivi régulier des patients permet de détecter le moindre nodule et de réaliser un traitement curatif.
Lorsqu'il est pris en charge tôt, le cancer primaire du foie n'exige pas plus de traitement que cette simple opération effectuée en hôpital de jour. En mettant en place un suivi régulier, le pronostic de guérison est excellent. Mais une fois que l'on a dépassé un certain stade, la médecine ne peut plus guérir, elle ne peut plus que freiner l'évolution de la maladie", déplore le Pr Delwaide.
Le cancer du foie évolue de manière relativement rapide, car la tumeur double de volume tous les six mois, explique le Pr Delwaide. Raison pour laquelle je répète l'importance du dépistage tous les 6 mois en cas de cirrhose. Ensuite, oui le cancer du foie métastase, mais le plus souvent dans le foie lui-même. Un envahissement des vaisseaux sanguins du foie (veine porte) est également fréquent, ce qui signe une aggravation de la situation. Les métastases vers d'autres organes sont également possibles.
La science a heureusement réalisé d'immenses progrès au cours des dernières années. Même lorsque la guérison n'est pas possible, la radioembolisation (injection de particules radioactives dans les vaisseaux alimentant la tumeur), la chimiothérapie et l'immunothérapie prolongent sensiblement la survie.
L'immunothérapie est l'une des principales avancées en oncologie. Le rôle du système immunitaire consiste à éliminer les cellules déficientes lorsqu'elles apparaissent. Pour qu'un cancer se développe, il faut donc que les cellules cancéreuses trouvent le moyen d'échapper à sa vigilance en utilisant une sorte de camouflage. L'immunothérapie permet de donner aux lymphocytes, véritable bras armé du système immunitaire, les informations nécessaires pour démasquer les tumeurs du foie.
Aujourd'hui, le taux de survie à 5 ans est d'environ 25 %, mais les progrès thérapeutiques associés à un dépistage plus performant pourraient mener à une évolution positive des chiffres liés au cancer hépatique.
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