Architecture, biologie ou encore chimie : les structures du vivant ont eu des millions d’années pour se développer et se perfectionner. La science s’inspire désormais de la nature pour innover de façon durable. Croyez-le ou non… vous allez aimer les moustiques grâce au biomimétisme !
Le biomimétisme ne date pas d’hier ! Les croquis des premières machines volantes imaginées par Leonard de Vinci reproduisaient la structure des ailes de chauves-souris, d’oiseaux et d’insectes. Son ornithoptère n’a peut-être jamais volé, mais les graines du biomimétisme étaient plantées. Plus près de nous, vous ou vos enfants utilisez probablement l’invention de George de Mestral tous les jours : le velcro ! Cet ingénieur suisse a eu l’idée de développer ce textile après avoir vu son chien revenir de promenade avec de nombreuses fleurs de bardane accrochées à ses poils. Il a déposé le brevet du velcro (velours-crochet) en 1952, et depuis, ces bandes adhésives sont partout, des chaussures au matériel de santé, en passant par la construction et le transport !
Depuis, beaucoup d’ingénieurs, physiciens, biologistes, architectes, agronomes, statisticiens, sociologues ont étudié de nombreux systèmes et domaines. Le biomimétisme est transdisciplinaire, comme mentionné par Janine Benyuls, autrice américaine du livre Biomimicry: Innovation Inspired by Nature (Biomimétisme : quand la nature inspire des innovations durables). Elle explique dans son livre les fondements de cette nouvelle façon d’envisager l’innovation. Le biomimétisme s’inspire des systèmes du vivant pour concevoir des produits et services de façon durable et efficace. Plusieurs critères sont retenus pour qu’une innovation soit considérée comme biomimétique ou bio-inspirée :
Des ingénieurs ont également travaillé sur des adhésifs inspirés par les geckos, un type de lézard, qui peuvent grimper sur des surfaces complètement verticales grâce aux soies très fines qui recouvrent leurs pattes. Ils étudient également le mécanisme de fixation des moules, capables de produire un adhésif qui résiste à l’eau salée. Les nuisances sonores provoquées par le Shinkansen, train à grande vitesse japonais, ont été réduites en s’inspirant du bec du martin-pêcheur. Et que dire des revêtements autonettoyants inspirés par les feuilles de lotus, ou des bâtiments écologiques sans climatisation électrique inspirés par les constructions des termites ?
Les innovations dans le secteur de la santé ne sont pas en reste ! Que ce soit en matière de procédures ou de nouveaux matériaux, le biomimétisme a déjà permis de créer ou d’améliorer de nombreux produits.
Toutes les espèces de requins possèdent une peau très particulière, composées de minuscules écailles structurées en nid d’abeille, les denticules. Ces denticules offrent au requin deux grands avantages. Tout d’abord une meilleure pénétration dans l’eau, qui lui permet de dépenser moins d’énergie en nageant. Mais l’autre propriété des denticules est celle qui présente un grand intérêt pour le secteur de la santé : les algues et autres micro-organismes n’adhèrent pas à la peau du requin.
La société américaine Sharklet a étudié les denticules pour mettre au point un revêtement antibactérien utilisable sur les parois des hôpitaux, des salles d’opération ou des instruments médicaux pour diminuer fortement le risque de maladies nosocomiales. Pascal Deynat, spécialiste du domaine au CNRS (Centre national de la recherche scientifique, en France), explique dans la vidéo ci-dessous que ces revêtements inspirés des requins limitent la propagation des bactéries de 94 %.
Les araignées sont des ingénieurs redoutablement efficaces, et la résistance de leurs toiles intrigue les scientifiques (et Spiderman !) depuis longtemps. Légère, flexible, plus résistante que le kevlar et plus souple que le nylon, la soie des araignées pourrait avoir de multiples applications : gilets pare-balles ou câbles ultralégers, mais aussi (et surtout) en tant que fil de suture neutre et bio-compatible. Ce fil serait donc « invisible » pour notre système immunitaire et ne produit ni inflammation ni rejet.
Le problème principal qui s’est posé entre la découverte et l’industrialisation ? Les araignées ne sont pas faciles à élever, en raison du cannibalisme de certaines espèces et de la technique artisanale de récolte du fil.
Une équipe de recherche suédoise de l’Université des Sciences Agricoles s’est penchée sur une méthode de production biosynthétique qui reproduit le mécanisme de filage de la soie par l’araignée.
La soie d’araignée bientôt disponible pour réparer des tendons, ligaments ou refermer des plaies ? Nous l’espérons !
En général, on s’aperçoit que l’on a servi de festin à un moustique quand la démangeaison arrive. Personne ne se souvient de la piqûre du moustique et pour cause ! La trompe du moustique est de forme conique et son extrémité suffisamment petite pour se glisser entre les récepteurs de la douleur de notre peau. L’équipe de Recherche et Développement de la société japonaise de matériel médical Terumo a donc essayé de reproduire cette forme très particulière pour créer une aiguille qui rend les injections bien moins douloureuses. L’aiguille Nanopass 34 G , lancée en 2012, mesure seulement 0,18 mm de diamètre à sa pointe et équipe à présent de nombreux stylos injecteurs d’insuline.
La démarche du biomimétisme propose le vivant comme modèle à suivre et plus nous étendrons nos connaissances dans le domaine, plus nous pourrons découvrir de solutions pour innover tout en respectant nos ressources. Les produits inspirés par le biomimétisme sont plus adaptables à un environnement changeant.
Il reste beaucoup à apprendre et découvrir : il est parfois difficile de reproduire ou synthétiser certaines structures ou processus. Les systèmes biologiques sont parfois organisés de façon très complexe et nous n’avons pas toujours les outils industriels pour reproduire ces structures.
Même chose pour la photosynthèse : ses mécanismes ne sont pas toujours parfaitement déchiffrés. Le projet eSCALED, lancé en 2018, vise la mise au point d’une feuille artificielle capable de reproduire les processus de la photosynthèse et de produire de l’eau et des « carburants solaires ». C’est un projet de longue haleine, et il faudra plusieurs années de recherches !
Dans le domaine de la santé également, beaucoup de recherches sont encore en cours, comme celles de la société Hemarina, qui développe une hémoglobine inspirée d’un ver marin capable de transporter 40 fois plus d’oxygène que l’hémoglobine humaine. Les recherches dans le biomimétisme sont transdisciplinaires et vont probablement donner lieu à des innovations et « bonds » industriels importants dans les années à venir !
Pour en savoir plus et connaître l’état de la recherche sur le biomimétisme et la transition écologique, vous pouvez consulter la documentation publiée sur le site du CEEBIOS (Centre européen d’excellence en biomimétisme de Senlis).