Les scarifications sont des actes d’automutilation cutanée qui concernent principalement les adolescents, et même surtout les adolescentes. S’ils ne témoignent pas d’une volonté de mettre fin à ses jours, ils reflètent néanmoins un profond mal-être qu’il convient de prendre au sérieux. Véronique Delvenne, professeure de pédopsychiatrie à l’ULB et cheffe du service de pédopsychiatrie à l’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola (HUDERF), nous éclaire sur ce phénomène.
L’adolescence représente souvent une période délicate à traverser, avec parfois un impact majeur sur la santé mentale des jeunes. « Le développement cérébral est particulièrement important à cette période avec un déséquilibre entre le cerveau émotionnel, particulièrement actif et le cerveau rationnel encore peu mature, explique la Prof. Delvenne. Cela peut donc favoriser un trop-plein d’émotions difficiles à gérer, parmi lesquelles l’angoisse, surtout si le jeune a connu des périodes difficiles auparavant dans l’enfance. »
Les scarifications s’inscrivent en effet généralement dans une situation de grande tension anxieuse dont les lacérations ne sont qu’un symptôme. Elles représentent même plus précisément une porte de sortie. « En général, la scarification apaise la souffrance psychologique, poursuit la Prof. Delvenne. Souffrir physiquement permet de reléguer les douleurs psychiques au second plan et de mettre un terme à l’enchaînement des pensées néfastes. »
Auteure du livre Ados : scarification et guérison par l’écriture en 2013, la psychanalyste et psychologue clinicienne Catherine Rioult évoque de son côté une façon de « faire sortir la douleur psychique ».
Comme c’est le cas pour l’anorexie mentale, les scarifications concernent davantage les filles que les garçons. Elles s’atténuent ensuite au début de l’âge adulte, vers 20-22 ans, mais peuvent persister en cas de trouble de la personnalité borderline.
« Il n’est pas toujours simple de déceler les signes de scarification, car l’ado a souvent tendance à les dissimuler, explique la Prof. Delvenne. Mais s’il porte des manches longues en permanence, y compris l’été, cela peut être le signe que quelque chose ne tourne pas rond. De manière générale, le passage à l’acte s’inscrit dans un ensemble d’autres troubles. Cela n’arrive pas de nulle part. »
Lorsque cette pratique est découverte, il convient de tenter de nouer le dialogue sans jugement pour en comprendre les raisons. Le médecin généraliste représente alors un interlocuteur important qui peut aiguiller la famille vers une prise en charge adaptée. Une consultation spécialisée est parfois nécessaire afin d’évaluer l’étendue du problème psychopathologique sous-jacent.
Dans certains cas, l’écriture offre une forme d’apaisement, car elle permet d’exprimer sa souffrance et ainsi de l’évacuer. Catherine Rioult utilise à cet égard la formule suivante : « S’exprimer sur le papier pour apaiser l’irrépressible besoin d’écrire sur sa peau ».
Les spécialistes des problèmes de santé mentale constatent une augmentation des cas de scarification depuis 25 ans, mais sans pour autant en expliquer les causes. L’attention plus importante portée à la question de la santé mentale des enfants et des adolescents permet sans doute en partie de les diagnostiquer davantage.
Par ailleurs, les problèmes de santé publique liés à la crise sanitaire que nous avons connue à partir du printemps 2020 dépassent largement le cadre du Covid-19. Un nombre croissant de personnes font en effet face à des troubles mentaux et les jeunes ne font pas exception.
Généralement effectuées au niveau des bras avec un objet coupant comme une lame de rasoir, les scarifications effraient de nombreux parents. Ils y voient le signe de la volonté de leur enfant d’intenter à sa vie. Si le trouble mental responsable de la souffrance d’un adolescent peut dans certains cas pousser le pousser à vouloir en finir, la scarification n’est pas en tant que telle le signe de la présence de pensées suicidaires chez les jeunes. Il s’agit la plupart du temps d’un symptôme transitoire, mais il faut néanmoins veiller à ce que cette pratique ne s’installe pas dans la durée.Une différence entre scarification et automutilation
Dans une interview accordée au site Internet Le Ligueur en 2019, la pédopsychiatre Marie Rose Moro opérait la distinction entre la scarification - qui peut faire figure de rite de passage et dans laquelle elle place aussi la volonté de se faire tatouer ou de porter un piercing – et l’automutilation. Selon elle, c’est à l’automutilation des jeunes qu’il faut prêter attention lorsqu’il s’agit d’une pratique « qui les soulage, qui diminue leur angoisse, qui leur donne le sentiment de dépasser la douleur, de lutter contre quelque chose dont ils ne connaissent pas le nom. On est là clairement dans la sphère de la pathologie et des conduites à risques. »
Dans une interview accordée au site Internet Le Ligueur en 2019, la pédopsychiatre Marie Rose Moro opérait la distinction entre la scarification - qui peut faire figure de rite de passage et dans laquelle elle place aussi la volonté de se faire tatouer ou de porter un piercing – et l’automutilation. Selon elle, c’est à l’automutilation des jeunes qu’il faut prêter attention lorsqu’il s’agit d’une pratique « qui les soulage, qui diminue leur angoisse, qui leur donne le sentiment de dépasser la douleur, de lutter contre quelque chose dont ils ne connaissent pas le nom. On est là clairement dans la sphère de la pathologie et des conduites à risques. »
En matière de santé mentale, oser demander de l’aide est essentiel. La mutuelle Partenamut a donc décidé de mettre une ligne psy à la disposition des jeunes notamment. Elle est joignable du lundi au vendredi de 8h à 20h au numéro gratuit 0800 88 080.Partenamut intervient aussi dans le remboursement d’un suivi psychologique à hauteur de 320 €/an.